Haïti confirme ces derniers jours que c’est de plus en plus le pays de l’ironie pratique par excellence. On a l’impression que cette terre ne produit que des comédiens, et ceci malheureusement, à tous les niveaux. La présidence n’est pas épargnée, elle, non plus. Sous l’administration de Martelly on a eu droit à toutes les blagues de mauvais goût, aux propos flatteurs et disgracieux, aux jeux de clowns non improvisés et aux rires d’un peuple désabusé et perdu. Un peuple qui rit de sa misère face à des dirigeants malhonêtes qui n’ont rien d’autres à offrir que des spectacles macabres. Les blagues ne finiront peut être jamais ici, car de plus en plus, on sent que les candidats aux présidentielles de 2015 se sont évertués à copier plus ou moins le modèle mickiste. Ceux qui, comme bons citoyens, ont assisté, visionné ou écouté le débat présidentiel organisé par la chambre de commerce et de l’industrie d’Haiti (CCIH) cette semaine ont eu pour leurs argents et leurs temps. En passant, il faut applaudir l’effort deployé par les deux journalistes séniors Haitiens, Roberson Alphonse et Cossy Roosevelt, afin de tirer le minimum des candidats présents. Ils étaient au nombre de sept: Charles Henry Baker, Steeven Benoit, Pierre Etienne Sauveur, Erick Jean Baptiste, Steeve Khawly, Jovenel Moise et Maryse Narcisse Si les questions étaient plus ou moins pertinentes et sérieuses, abordant des sujets d’importance capitale pour le futur de la nation, les candidats, eux, étaient en majeure partie, évasifs, marathoniens et lutteurs et pittoyables. Le professeur s’est fait corriger Pierre Etienne Sauveur, l’homme qui sait tout aurait pu faire bonne impression, mais le docteur en politique n’a cessé de commettre cette ridicule erreur de montrer à l’assistance les livrets dans lesquels se trouvent le programme de son quinquennat au lieu de débattre. Il oublait peut etre que ceux qui écoutent le débat à la maison ne peuvent nullement voir la couleur de cette bible qu’il clame haut et fort detenir les secrets du développement d’Haiti. L’éminent professeur qui sait tout semble ne pas savoir que les gens qui iront voter “en masse” ce 25 octobre 2015 ne liront probablement jamais ces livrets ou tout simplement n’ont jamais eu la chance d’apprendre à lire. D’un autre côté, les chanceux qui liront le livret magique n’iront probablement pas voter. Attendons donc pour voir Frantz Duval, du journal Le Nouvelliste qui, une fois de plus, avec tristesse, ecrira un article pour demander à tous ceux qui ont lu Mr Suaveur, où ils ont été ce jour là. L’arrogance de Pierre Etienne lui fait raté assez souvent l’occasion d’être son propre sauveur, jusquà se faire corriger par l’assistance et Jovenel Moise de ses manques de connaissance sur le taux de change du dollar par rapport au peso dominicain. Monsieur a failli transformer le débat en concours de petites répliques souvent stupides et en concours de petites blagues. Il y en a un qui ne passe jamais inaperçu Lui, là, on le connait. Steeven Benoit, ex député de Petionville, ex sénateur de l’Ouest, qui n’oublie jamais de faire éloge de son passé de parlementaire incorruptible. Comme à l'accoutumée, avec un ton toujours trop haut, sait jouer très bien la victime quand il le faut et se montrer très acide comme politicien quand il s’agit de tirer à boulet rouge sur le pouvoir en place, celui de son bon ami, Martelly, scande-t-il. Ses petites attaques sur Jovenel ont été les meilleures blagues du débat. “Comment le candidat du pouvoir peut ne pas savoir ce qu’à été faire le president Martelly en République Dominicaine au cours de la semaine?”. Et pourtant, quand il s’agit de donner des précisions, Steeven se replie et se vante d’être le plus serieux des candidats. Sans blague ! Steeven se présente comme celui qui connait le plus les structures étatiques. Il a été et dans le privé, et dans le public. Après ses énormes bourdes dans toutes les commissions dont il faisait partie, on espère vraiment qu’il a appris la leçon. Nèg Bannann nan, le mal aimé On sent que beaucoup ont une dent contre Jovenel Moise, car il est le candidat du pouvoir. En commençant par Steeve Kahwly, l’un des candidat présent au débat d’hier soir. On l’accusait et le blâmait à tords des erreurs du pouvoir en place. Si c’est un monsieur qui sait se défendre, Jovenel Moise hérite malheureusement d’un contexte politique qui ne joue pas en sa faveur. Ses innombrables confrontations avec Sauveur Pierre Etienne, Steeven Benoit et Erick Jean Baptiste ont été des scènes d’intensités à couper le souffle. On lui reproche même d’utiliser l’argent et les ressources de l’Etat pour sa campagne présidentielle. Quelques chiffres avancés pourtant par l’entrepreneur montre qu’il maitrise les notions du développement et étonnent ceux qui ne voyait en lui que le dauphin du régime en place. On est tous oncle Charles Pour avoir été deux fois candidat à la présidence en 2006 et en 2010, Charles Henry Baker était le doyen des candidats de ce débat. Pourtant, il oublie assez souvent qu’un président doit savoir et pouvoir parler au peuple. S’il n’a pas de très profond trou de mémoire, monsieur Baker a vraiment le verbe difficile, il est aussi inaudible qu’incompréhensible. Il faut dire qu’on comprend mieux maintenant pourquoi il n’a jamais été bien classé dans les deux élections précédentes. Certes, monsieur Baker montre qu’il est un homme fort, qui veut apporter un peu de lui meme dans le changement du pays. L’entrepreneur qu’il est a ces réponses tranchantes, mais sa capacité à communiquer éclipse toujours ses idées et le temps mis pour trouver les mots s’avère une vraie partie de plaisir. Espérons qu’il ne se fatigue pas avant le 25 octobre prochain. Ces débateurs visiblement absents Désolé, mais l’on se demande réellement ce qu’ils étaient venus faire dans ce débat. Erick Jean Baptiste et Steeve Kahwly, auraient tellement aimés etre quelques part d’autres. N’est-ce pas la raison qui a poussé monsieur Jean Baptiste à critiquer les organisateurs du débat du fait, selon lui, d’avoir reçu son invitation trop tard. Une très bonne raison pour justifier son manque de preparation. Il n’a même pas eu le temps de soigner sa tenue. C’est un Erick Jean Baptiste totalement négligé, casquette en tête qui n’a pas vraiment enrichi le débat. Mais quand il s’agissait de critiquer le pouvoir en place, il s’était évertué à trouver quelques mots. “Le 7 fevrier, quand je serai president, n ap mande pou pote kòd pou mare vole”, a été la seule phrase pleine de sens qu’il a pu prononcé. Et, qu’en est-il de Steeve Khwaly, il suffit simplement de dire que sa prestation était tristement proportionnelle à son nom. Euh… La seule femme representée, indignement Le parti Fanmi Lavalas n’a jamais été aussi mal représenté. La candidate choisie par l’ancien président Jean Bertrand Aristide avait visiblement envie que le débat finisse pour vider les lieux. La protégée du Leader charismatique n’a pas du tout fait honneur aux Lavalassiens. Disons que Maryse Narcisse avait peut être une migraine, qu’elle avait du mal à trouver ses idées, et quand elle en trouvait, avait du mal à les expliquer pour convaincre. Elle était brève comme si les interventions des autres candidats adversaires l’avaient fatiguées, ou tout simplement ne l’interessaient guère. Elle ne prenait aucune position contre, ni pour. Elle n’utilisait nullement ses “rebonds”, et les journalistes qui animaient le débat ont, ironiquement demandé aux autres candidats de lui laisser un peu de temps pour placer un mot. Une telle prestation n’a pas du tout jouée en faveur de la candidate qui semble avoir du mal à évoluer dans l’ombre de JBA, ce grand parleur qui ramasse masse partout où il passe. Ce qu’on dit de ce débat… Somme toute, certains déplorent cette initiative louable de mettre 7 candidats sur un même Podium. Ceci a considérablement écourté leur temps de parole. Mais on se mettra tous d’accord que tous les candidats semblent bien connaitre les maux du pays, se sont évertués de donner des réponses plus ou moins satisfaisantes et ont pu tant bien que mal exposer leurs visions des choses. Mais, on s’attendait à quelque chose de plus serieux. De toute façon, quand Bicha, Kako et Jessifra sont dysfonctionnels, avec tout le stress que l’on a dans ce pays, il existe encore ces politiciens qui peuvent nous faire rire, et ce n’est pas une blague. A quand le prochain débat?
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AuteursJethro Joseph SEREME Archives
March 2018
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